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Exposition

Le point de départ pour elle, et sans doute pour moi aussi bien, n'aura été que ceci : un point de départ, au sens où le portrait est toujours un point de départ, un point ou un trait qui fixe le départ. Un exemple serait Freud qui le fixa dans une Selbstdarstellung et elle, CA, le ça muet s'inscrivant dans l'expression des autres, aura résolument retenu les guillemets pour délimiter et spéculer en secret sur le Selbst de cette exposition, de cet autoportrait qui s'efface à la face de l'autre, suspendu quelque part entre différence sexuelle, portraiture et caricature - entre le crayon pris dans la main pour écrire et celui qui trace les limites mobiles entre écriture et dessin. Il est toujours aux confins de l'écriture, cet auto-effacement extrait de la face. Mais si celles-ci semblent équilibrées dans l'écriture, elle, "dans un mouvement qui soutient la face,"· les a séquestrées, a repoussé leurs mains.

Post-face : "Heidegger, vous avez perdu le pari."

Dans la Caractérisation anthropologique, Kant explore la physionomie en tant qu'art permettant de juger ce qui se trouve à l'intérieur d'un homme - qu'il s'agisse de sa manière de sentir ou de penser - à partir de sa forme visible et donc de son aspect extérieur. En fait, les juges sont bien souvent des femmes - d'exemplaires lectrices dans ce domaine, capables de déchiffrer la lisibilité de la main du créateur (Kant cite l'acteur Quin : "Si ce type n'est pas un vaurien, alors le créateur n'écrit pas lisiblement.") La face, en pénétrant dans une semiotica universalis, livre "certains signes extérieurs involontairement." Et cependant, le physiotexte est attaché par un double nœud, dans des conditions où la lecture se fait impérative. On juge ou on lit des structures faciales, Kant affirme, quand un homme (seul l'homme semble être instruit) "est en bonne santé, donc sans maladie, et quand son esprit est calme, et pas en émoi." Cependant "cela va sans dire que si l'homme que nous jugeons dans ce but prend conscience que nous l'observons et que nous épions ce qui se trouve en lui, son esprit n'est pas calme mais dans un état de tension et d'agitation intérieure, peut-être même d'indignation, se voyant exposé à la censure d'un autre." La face capturée, ainsi consciente de sa captivité, de sa décapitation et de sa séparation d'avec son corps sain, sait qu'elle a été choisie pour une lecture et se trouve, en toute logique, dans un état de malaise ou, en vérité, en état de· bizarrerie. La face qui sait qu'on lui fait face, que sa surface fait l'objet d'un jugement (en général celui d'une femme), qui ressent la pression de l'exposition; en d'autres termes la face cognitive, soutenue par le crâne, ne saurait être la même que la face du peintre ou "ces structures faciales idéales (des statues grecques, des camées et des intailles) dans les œuvres d'art en tant que prototypes." Il y a un rien de paranoïa dans la face cognitive, une ombre de distorsion et de douleur dans son incapacité à résoudre des conflits d'identité avec elle-même. Ainsi la question de la confiance se pose toujours face à une telle lecture : "Si nous sommes censés faire confiance à quelqu'un - peu importe son degré de recommandation - nous commençons toujours par le regarder en face." Globules incrédules. Les ignobles gélatines de la chute du roi Lear : la tentation depuis l'époque de Goya de sauver la face dans la non-beauté.

Cette altérité, ce

"Ne-pas-être-nous" est tout ce qu'il y a à voir. John Ashbery

Avital Ronell 1983

Extraits de WEAK-END READING de Avital Ronell écrit en 1983 à propos de portraits de Saul STEINBERG , MATTA, Eduardo ARROYO, Luis LE BROCQUY, Philippe HIQUILY, Christopher KILLMARTIN, Jacques DERRIDA, Jean- François LYOTARD, Jacques DUPIN, Italo CALVINO,Tom MESSER,Luciano BERIO, dessinés au crayon par CAMILLA ADAMI

 

 

 

Camilla ADAMI

Re-portraits

Dessins

Du 10 mai 2012 au 09 juin 2012
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